Entretien avec Paul Canarelli, Propriétaire et Fondateur du Domaine de Murtoli

Monsieur Canarelli, il y a un peu plus de 20 ans, vous décidez de redonner vie à des ruines de pierres en créant le Domaine de Murtoli, pourquoi ?

J’y venais enfant avec mon grand-père pour nous occuper de ses vaches et j’y ai donc des tas de souvenirs et de repères. Ces repères qui vous semblent anodins lorsque vous êtes enfant et qui prennent tout leur sens quant à votre tour vous devenez adulte. À son décès en 1993 cette propriété de presque 2 000 hectares de terres, de maquis, de rochers était redevenue sauvage. Le fait de redonner vie à ce lieu était un hommage à mon grand-père et aussi la continuité et le respect du travail accompli tout au long de sa vie sans jamais prendre un seul jour de vacances. Quand j’ai commencé la réhabi-litation de Murtoli il n’y avait ni route, ni eau, ni électricité, rien que des adeptes du camping sauvage et naturel, des vaches en liberté, des sangliers et des ruines. J’avais l’intuition que dans ce paradis il fallait marier agriculture et hôtellerie tout en préservant un environ-nement exceptionnel. L’agriculture est à la base de tout dans ce sec-teur de la Corse qui est une terre de tradition agropastorale avec de l’espace et des productions qui lui sont propres et reconnues pour leur qualité. Le Domaine situé dans la basse vallée de l’Ortolo a une énorme potentialité sur le plan agricole qui ne demandait qu’à être valorisée. Le nombre de bergeries et de maisons en ruine disséminées dans la nature permet de mieux comprendre cette vocation agricole et d’élevage. C’est à partir de ce potentiel à la fois naturel et humain que je me suis lancé dans la réhabilitation du Domaine.

Au fil des années, en ajoutant au Domaine des activités pastorales et agricoles, vous créez ainsi une entreprise unique en Corse, qui associe agriculture et tourisme. Pourquoi avoir fait ce choix ?

En réalité j’ai créé un « hôtel » dans ma ferme et non pas l’inverse. J’ai regardé ce qui se faisait ailleurs dans l’agritourisme haut de gamme sur des concepts existants déjà à l’étranger qu’il fallait adapter aux critères originaux et identitaires de la Corse, le respect du bâti ancien et des produits identitaires de grande qualité. Les parties agricole et hôtelière se nourrissent l’une et l’autre. Le Domaine est une entreprise familiale à transmission patrimoniale où se déclinent tous les métiers de l’hôtellerie, de la restauration, de l’agriculture, de l’élevage et des loisirs tout en restant une réserve naturelle intacte, peuplée de san-gliers, de lièvres, de perdreaux, et de colverts. Il satisfaisait à la fois à tous les standards de l’hôtellerie haut de gamme et aux exigences d’un véritable développement durable. C’est aujourd’hui une des plus grandes exploitations de polyculture élevage en Corse. 400 brebis, plus de 100 vaches, 150 chèvres, 4 000 oliviers plantés et bientôt en production d’huile, 18 hectares d’immortelles, du maraîchage,des ruches. Avec 150 hectares de prairies, le Domaine est autonome en fourrage, le reste est en parcours traditionnel de maquis. Le Domaine, c’est aussi une fromagerie moderne avec une cave d’affinage en sous-sol pour la tomme de brebis que l’on trouve dans les épiceries fines de la région, de Paris, de Lyon, d’Aix, l’agneau de lait local et le veau vendu aussi sous la marque « le veau iodé de Murtoli », et que l’on déguste sur les tables des deux restaurants du Domaine. La partie hôtelière ce sont 17 bergeries réhabilitées à l’ancienne avec tout le confort le plus moderne et dispersées dans le domaine,l’équivalent de 100 lits. En tout 55 salariés sur 9 mois et 35 le reste de l’année. C’est une véritable économie créée dans un désert. C’est ma conception du développement durable.

Murtoli est également réputé pour ses séjours de chasse. En Corse, la chasse est une tradition ancestrale, une de plus que vous perpétuez au Domaine. Peut-on dire que Murtoli est le gardien des traditions et d’un art de vivre d’autrefois ?

Murtoli a toujours été une terre de chasse très prisée et la chasse tient une grande place dans les activités rurales insulaires, elle fait partie d’un certain art de vivre avec la nature et d’une relation particulière avec la terre depuis la nuit des temps. Le gibier ne manque pas, surtout les sangliers qui se chassent de manière traditionnelle. La chasse à l’automne et en hiver est devenue une véritable destination recherchée. Les séjours liés à cette activité optimisent la fréquentation du domaine hors de la saison estivale et démontrent que les traditions quand elles sont préservées peuvent être un vrai facteur de développement. C’est d’ailleurs, sans doute grâce à ce développement, que nous sauverons nos traditions et notre art de vivre insulaire que les autres viennent chercher et apprécient !

Sur cette terre qui vous passionne, on a l’impression que vous avez réuni toutes vos passions, est-ce le cas ?

Exactement !!!

L’année 2014, est marquée par l’ouverture du Golf, quels sont les atouts de ce parcours unique, êtes-vous joueur ?

Il s’agit simplement d’avoir réalisé un parcours de qualité sans avoir dénaturé les lieux sur le modèle des links écossais. Le parcours a été dessiné et réalisé entre mer et montagne par Kyle Phillips qui est le grand spécialiste des golfs naturels. Il a été guidé par la nature pour implanter les greens et les fairways. Les 12 trous ont été imaginés au milieu des plantations d’oliviers, d’immortelles et de lavandes afin de garder la vocation agricole et pastorale des lieux. Le concept est assez novateur car il existe une dizaine de configurations de parcours différents. Ce qui va permettre à nos hôtes de pouvoir jouer différents parcours pendant leur séjour. Je suis un joueur débutant mais déjà mordu !

Que recherche votre clientèle en venant à Murtoli ?

L’espace, la nature, la tranquillité, l’authenticité, l’accueil, l’art de vivre, la gastronomie. Chacun y trouve en réalité ce qu’il vient chercher ou découvrir. Nos hôtes ont l’impression de vivre librement chez eux et en pleine nature, avec un service de qualité de toute discrétion à leur disposition. Les loisirs offrent toute une palette d’activités de nature, le golf aujourd’hui, la pêche au large, en bord de mer ou en rivière, une plage immense de sable blanc, des dizaines de criques, la promenade dans des paysages exceptionnels, le jardin potager, l’équitation, la chasse, des parcours d’initiation à la faune et à la flore, mais aussi à l’archéologie, des événements musicaux sur la plage, des rencontres littéraires, des rencontres gastronomiques avec des chefs multi étoilés, des rencontres gastronomiques avec les plus grands vignerons de l’île et du continent, des activités de bien-être avec des lits de massage perdus dans la nature ou la balnéothérapie avec son spa et ses équipements cachés dans les roseaux et la végétation du bord de mer… la privatisation complète du domaine pour l’organisation de mariages, anniversaires ou fêtes de famille ou d’amis. À chaque instant, le Domaine ouvert toute l’année offre ce qu’il peut avoir de meilleur, ses produits, sa nature, sa lumière et sa beauté.

Avez-vous d’autres projets de développement ?

Ces dernières années ont été celles d’un important développement du réceptif avec la réhabilitation de nouvelles bergeries, des loisirs pour nos hôtes comme la réalisation du golf, le développement des activités agricoles et d’élevage et des productions agroalimentaires pour les restaurants du Domaine et la vente. Pour le moment pas de nouveaux projets à mettre en œuvre dans l’immédiat, sinon encore et toujours améliorer l’existant.

Enfin, l’année dernière, César Filippi nous avait fait part de son coup de cœur pour le Domaine, et vous quel est votre coup de cœur ?

Mon coup de cœur est en toscane « la fattoria lavacchio ». Il s’agit d’un grand domaine agricole de 400 hectares qui produit du vin, de l’huile d’olive, du blé pour la farine du pain qu’ils réalisent eux même pour le restaurant du domaine. Tous les vieux bâtiments agricoles ainsi que les vieilles maisons ont été réhabilités et sont destinés à l’activité hôtelière. Nous nous sommes rencontrés sur un salon il y a quelques années et nous avons réalisé que nos concepts étaient très proches géographiquement et philosophiquement. Chez eux aussi l’activité hôtelière a permis de développer et de valoriser la production agricole.